samedi 10 décembre 2022

La passagère : une clôture en beauté pour le Poitiers Film Festival


J’ai parlé dans un autre article du palmarès du Poitiers Film festival (https://autresarts.blogspot.com/2022/12/poitiers-film-festival-les-court.html) dont les prix ont été remis juste avant la projection de la dernière avant-première de l’édition 2022 de cette manifestation désormais incontournable du paysage cinématographique français. Et ce dernier film a un trio d’acteurs principaux excellents et qui en font un grand moment de cinéma.


Une rencontre avec l’équipe du film avant la projection


Pendant qu’un public nombreux assistait aux dernières projections des courts-métrages programmés au Poitiers Film Festival aussi bien au TAP Castille qu’au Théâtre Auditorium de Poitiers, Héloïse Pelloquet, la réalisatrice de La passagère, rencontrait quelques journalistes de la presse locale en compagnie de Cécile de France (Chiara), Grégoire Monsaingeon (Antoine) et Félix Lefebvre (Maxence).


Héloïse Pelloquet : La passagère est mon premier long-métrage ; mais avant j’ai réalisé trois court-métrages et moyen-métrages (le dernier Court en date étant Côté cœur). J’adore la forme Court-métrage* qui est une très belle forme, mais je ressentais le besoin de développer mes sujets de prédilection dans un long-métrage : c’est à dire traiter plus longuement la question sociale et donner vie à un personnage féminin actif et fort. J’avais aussi envie de travailler avec des interprètes chevronnés, avec de jeunes acteurs mais aussi avec des non professionnels pour avoir une certaine forme d’improvisation. En fin de compte, ce sont des façons de travailler qui se complètent ; tout comme il est aussi important de montrer des hommes doux et compréhensifs que des femmes fortes.


Cécile de France : Je connaissais déjà les courts-métrages et les moyens-métrages d’Héloïse et je suis tombée sous le charme de ces films. Aussi quand j’ai reçu le scénario de La passagère, je l’ai accepté tout de suite. Et cela me plaisait d’interpréter une femme libre, sans complexes.


Félix Lefebvre : J’ai passé les castings assez tard mais il y a tout de suite eu quelque chose qui s’est passé avec Héloïse qui a un regard sur le cinéma singulier et sensible. J’ai adoré le scénario et Maxence est un jeune homme audacieux et agréable.


Grégoire Monsaingeon : j’ai été très marqué par une certaine forme de rareté et par un cinéma qui s’attache à des choses rares comme la croyance et la foi en la vie. Comme Félix, j’ai passé des essais qui se sont bien passés et comme mes camarades, j’ai adoré le scénario qui est idéal.


HP : C’est un film qui parle de gens qui s’aiment et qui se respectent.


GM : On fait un film que le spectateur vive une expérience unique.


HP : On a tourné à Noirmoutier ; et c’est une petite communauté qui vit la bas. Je ne parle pas d’un lieu en particulier car cela ne m’intéresse pas de localiser d’une manière précise. J’ai aussi voulu tourner un film sensuel dans tous les sens du terme. La mer est le motif romantique par excellence ; et Maxence qui arrive un jour de tempête annonce un peu ce qui va arriver.


FL : Il y a beaucoup de subtilité et de finesse dans ce film.


GM : Le tournage a été festif et très joyeux. On était en sortie de confinement et du coup il y a eu une saine émulation de la communauté et des figurants.


HP : j’ai voulu offrir à Antoine, le personnage de Grégoire, la possibilité d’encaisser le choc et de chercher à comprendre ce qui s’est passé. En partant de l’Île, Chiara fait un geste fort ; j’ai également voulu montrer comment elle y pense [à son départ], comment elle analyse la situation, lui laisser le temps de la réflexion.


La rencontre se termine sur ces mots de la réalisatrice qui a longuement réfléchi tant au scénario qu’à la façon dont elle voulait voir le film fini.


La projection du film


C’est au Théâtre Auditorium de Poitiers que la dernière Avant Première a eu lieu devant un public nombreux. C’est l’histoire d’un couple de Marin-Pêcheurs, Antoine et Chiara, qui prend un apprenti issu d’un milieu bourgeois – Maxence. Antoine qui est aussi syndicaliste participe aux négos [négociations] du Brexit et est appelé à se rendre en Angleterre. Dans le même temps Maxence qui travaille beaucoup avec Chiara en tombe amoureux ; si ce n’est pas réciproque au départ, les sentiments de la jeune femme évoluent. Si es amoureux tentent de rester discrets, la communauté de Noirmoutier est petite et les choses se savent très rapidement et les noirmoutrins se retournent contre Chiara, la quadra, qui séduit un « gamin » qui a 25 ans de moins qu’elle. Pour son premier long-métrage, Héloïse Pelloquet réalise un très bel opus. Les photos, les effets spéciaux, les décors, les costumes, tout y est pour mettre le spectateur dans le bain d’un film qui mérite d’être vu. On ne parlera pas d’histoire à l’eau de rose car on en est à l’exact opposé ; Pelloquet s’est intéressé à des problèmes de société comme la différence d’âge dans un couple (Chiara(45 ans) / Maxence(20 ans) en l’occurrence) ; la vie dans une petite communauté (les nouvelles se répandent plus vite que dans une grande ville, il est donc compliqué de conserver un secret) ; la difficulté d’une vie de marin pêcheur … Autant de sujets qui jalonnent ce film de très belle facture. Le trio principal est très en verve et donne vie avec talent à des personnages fort joliment brossés par une Héloïse Pelloquet très inspirée. Avec Cécile de France et Grégoire Monsaingeaon on a un couple Chiara / Antoine solide ou amour et respect forment la base de leur bonne entente. Quant à Félix Lefèbvre, révélé à 20 ans par le film de François Ozon « Été 85 » (pour lequel il a été nommé dans la catégorie jeune espoir masculin aux césars 2021), il campe un Maxence déterminé tant à apprendre le métier de ses maîtres d’apprentissage qu’à obtenir ce qu’il veut : mettre Chiara, dont il est amoureux, dans son lit. J’ai également apprécié les très belles performances des noirmoutrins qui étaient figurants (comme Noël, par exemple, chez qui Grégoire Monsaingeon et Cécile de France ont été en « stage » pour apprendre les principaux gestes du métier de marin pêcheur) ou qui tenaient des rôles secondaires. Et là, prend tout son sens la volonté de la réalisatrice d’ajouter à La passagère une part d’improvisation face aux trois « pros » qui tenaient les rôles principaux.


Le débat qui a suivi a donné suite à quelques explosions de rire face aux questions parfois idiotes posées par les personnes présentes à cette avant première. Parmi les questions posées, revenait souvent la question des scènes d’amour entre Cécile de France (Chiara) et Félix Lefèbvre (Maxence) : « ce ne sont pas les scènes qui ont été le plus difficiles à tourner » répond Cécile de France. « Nous en avons parlé avec Félix et nous avons choisi ce que nous voulions montrer ou pas » poursuit elle avant d’ajouter : « nos corps sont nos outils de travail ; une fois cela accepté, c’est nous qui décidons de ce que nous voulons en faire ou pas. ». Cette réponse très saine a le mérite de remettre l’église au centre du village sur le métier d’acteur. Héloïse Pelloquet, Cécile de France, Grégoire Monsaingeon et Félix Lefèbvre ont répondu avec bonne humeur à un public séduit et curieux.


C’est une très belle soirée de clôture que e Poitiers Film Festival a offert à un public venu nombreux pour applaudir un film de très belle facture. Et on ne peut que lui souhaiter une belle carrière ; la sortie nationale est prévue le 28 décembre prochain.


Compte rendu, cinéma. Poitiers. Théâtre, le 2 décembre 2022. Héloïse Pelloquet (née en 1988) : La passagère. Cécile de France, Chiara ; Grégoire Monsaingeon, Antoine ; Félix Lefèbvre, Maxence. Durée : 1 heure 35 ; sortie nationale : le 28 décembre


Crédit photo Héloïse Pelloquet : Ouest France

lundi 5 décembre 2022

Poitiers Film Festival : les court-métrages au cœur du festival


Créé à la fin des années 1970 sous le nom de Rencontres Henri Langlois (du nom de l’archiviste qui vécut de 1914 à 1977 et qui fonda en son temps la cinémathèque française), le Poitiers Film Festival a toujours eu pour vocation de mettre le court-métrage en avant. Et cette année, le comité de sélection a reçu 1350 court-métrages venant de 36 écoles et de 25 pays ; le choix fut cornélien, mai au final ce sont 40 court-métrages qui ont été choisis et regroupés en 8 « groupes » de 5 films. A côté de cette sélection internationale, ont été présentés au public des Court-Métrages issus des écoles de cinéma françaises dans la catégorie so french (« compétition les 29 et 30 novembre avec remise de prix le 30 novembre au soir). Il y avait aussi des court-métrages animés pour les plus petits projetés au court de séances joliment intitulées « séance doudou », « séance piou-piou » et « ciné-concert ». Mais comme nous sommes en plein coeur de l’année France-Portugal, des court-métrages venus de ce pays ont également été projetés dans des séances comme « Les courts de l’été », « filmer le travail » ou encore « carte blanche au festival caminhos do cinéma portuguès » (ce festival se déroulant à Coïmbra, ville jumelée à Poitiers depuis 1979). Bref, le spectateur n’a pas manqué de choix pour voir les court-métrages programmés que ce soit au Théâtre Auditorium ou au TAP-Castille. Cependant le public ne votait que pour la sélection internationale ; le prix du public ayant été remis le 2 décembre dernier pendant la cérémonie de remise des prix.



La sélection internationale


Cette année j’ai vu 25 des court-métrages sélectionnés par le comité de sélection. Et par moments, je me suis clairement demandé si les membres de ce comité avaient les yeux en face des trous. Si la série nommée CM*4 était au mieux moyenne, aucun court ne se détachant nettement des autres, la série CM5, elle, était sans doute possible la moins bonne des cinq séries que j’ai vu le 27 novembre. Cette cinquième série regroupait tout ce qu’il y a de plus sordide dans la nature humaine ; il n’y avait clairement pas grand-chose à sauver tant les court-métrages oscillaient entre l’ennui poli et l’ambiance anxiogène à souhait. A l’inverse, la série CM6 était fort intéressante et c’est celle qui m’a le plus convaincue dans les cinq séries que j’ai vu. Les deux dernières étaient également très belles mais pas complètement convaincantes non plus ; je mets quand même un zéro pointé au dessin animé Furia qui est une erreur de casting flagrante dans la dernière série que j’ai vu.


Palmarès de la sélection internationale


- Grand prix du jury : Go West


- Prix spécial du jury : Diabel


- Prix de la mise en scène : Fantasma Néon


- Prix du scénario : Inja’s place


- Prix du public : Ice Merchants


- Prix du jury étudiant : Vadyiar


- Prix découverte de la critique française : Ramboy


- Prix de l’extra court : La neige incertaine


- Prix Manifest : Diabel


- Prix Amnesty International France : Fantasma Néon


La séance Ciné-Concert et la séance piou piou


En ce qui concerne le ciné concert du 26 novembre, il a fait l’objet d’un article à part : https://autresarts.blogspot.com/2022/12/reves-cosmiques-un-cine-concert.html


La séance piou piou se déroulait le dimanche matin au TAP Castille. Les petits et leurs parents étaient venus nombreux et j’ai apprécié le gazouillage des enfants tant pendant la présentation (« Est ce qu’il y aura des hippopotames ? » lance une petite voix « ??? … je sais pas s’il y aura des hippopotames, mais je sais qu’il y aura des éléphants. ») que pendant la projection. Les plus jeunes enfants n’ayant que 2 ans, on ne peut pas se formaliser de les entendre parler pendant les dessins animés, gentillets au demeurant et parfaitement adaptés à l’âge des petits spectateurs visiblement enchantés d’être venus au cinéma.


So french : une compétition dans la compétition


Je n’ai pas assisté à la compétition So french. Je vous donne cependant le palmarès de la compétition qui se déroulait les 29 et 30 novembre derniers et dont le palmarès a été donné dans la foulée des projections :


- Prix du jury : Après le rouge


- Mention spéciale : Peur du vide


- Prix du public : Les rencontres des quatre saisons


- Prix de l’extra court : Contretemps


- Prix du jury lycéen : Les rencontres des quatre saisons


- Prix du jury étudiant international : Contretemps


Les court-métrages des écoles de cinéma françaises


Les Courts des étudiants de l’École Supérieure du Son et de l’Image (site de Poitiers) ont été diffusés en une seule séance et ont fait l’objet d’un article à part : https://autresarts.blogspot.com/2022/12/poitiers-film-festival-lecole.html et je n’ai pu voir que deux court-métrages de la séance consacrée aux résidents de la FEMIS mais les « travaux » de ces jeunes qui se destinent aux métiers du cinéma ne manquent pas d’intérêt


En ce qui concerne la partie court-métrage, la semaine a été très dense. En effet, les 40 court-métrages de la sélection internationale ont été diffusés deux fois au TAP-Castille puis au Théâtre Auditorium ou les cinéphiles avaient la possibilité de rencontrer les réalisateurs après la projection. Mais tout le monde pouvait y trouver son compte puisque tous les publics étaient visés des plus jeunes aux plus âgés.


Compte rendu, cinéma. Poitiers, Théâtre Auditorium de Poitiers / TAP-Castille du 26 novembre au 1er décembre 2022.


* CM : Court-Métrage


Crédit photos : Arthur Péquin

Mourir à Ibiza (un film en trois étés) : un film à six mains qui laisse un goût d’inachevé


Cette quatrième avant-première en moins d’une semaine est un film réalisé à six mains par trois tout jeunes réalisateurs. Mourir à Ibiza est un film bien pensé qui est proposé au spectateur qui voit ainsi l’évolution des personnages entre 2019 et 2021 ; la première partie se passe à Arles et les deux autres parties « Naufrage à Etretat » et « Mourir à Ibiza » ont été tournées entre deux confinements. « Au départ, on voulait faire des court-métrages. » nous disent les réalisateurs pendant le débat qui a suivi. Avant d’ajouter : « Mais en visionnant les films, on a réalisé qu’ils formaient un tout assez cohérent pour en faire un long-métrage. Et c’est ce qu’on a fait. ». Et en effet, séparer les « séquences » en trois court-court-métrages n’aurait pas été une bonne idée. Cela étant dit, l’intention était excellente mais il manque un petit je ne sais quoi qui fait que le film m’a laissé sur ma faim.


C’est donc une belle histoire d’amitié entre quatre jeunes gens qui débute à Arles en août 2019 et se poursuit à Etretat (été 2020) puis à Ibiza (été 2021). Si les débuts sont quelques peu chaotiques, les amourettes d’été sont de celles que l’on oublie le plus vite, entre Marius et Léna, une amitié nait entre les deux jeunes gens. Il y a beaucoup de bonnes idées dans Mourir à Ibiza mais certaines d’entre elles sont inabouties notamment quand Léna attend Marius à Arles ; les portraits auraient pu être plus poussés. Idem à Etretat, l’ingérence d’Ali dans l’idylle naissante entre Maurice et « la fille au chien » (pas de prénom ?), les portraits du trio sont un peu légers. Je regrette aussi qu’il n’y ait pas de chansons dans les étés d’Arles et d’Etretat. Quitte à réaliser une comédie musicale, pourquoi ne mettre des chansons que dans la troisième partie « Mourir à Ibiza » ? D’autant qu’on a trois bons comédiens avec des voix honnêtes et que j’aurais apprécié de les entendre plus tôt dans la soirée.


Mais ne nous y trompons pas, le jeune trio de réalisateur nous propose un beau film. Et même s’il aurait mérité d’être plus fouillé, on ne peut que saluer le travail réalisé et encourager ces jeune gens dont je suis persuadée qu’on en entendra parler dans les années à venir. La sortie est prévue mercredi et, malgré les imperfections, je vous encourage à aller le voir car l’ensemble de l’équipe mérite grandement d’être saluée et mise en valeur.


Compte rendu cinéma. Poitiers. TAP-Castille, le 1er décembre 2022. Anton Balekdjian (né en 1996), Léo Couture (né en 1997), Mattéo Eustachon (né en1999) : Mourir à Ibiza (un film en trois étés). Mathis Sonzogni ; Lucile Balézeaux ; Alex Caïroni ; César Simonot. Durée :1 heure 47. Sortie nationale : 7 décembre 2022


Crédit photo : Allociné

dimanche 4 décembre 2022

Alma Viva : Christèle Alves Meira filme le Portugal profond


La troisième avant-première du Poitiers Film Festival, qui en propose cinq en tout, est le dernier opus de la réalisatrice Christèle Alves Meira : Alma viva. Pour ce film, Alves Meira a décidé de partir dans les fins fonds du Portugal. C’est aussi l’occasion de donner l‘opportunité à des comédiens non professionnels, dans Alma viva, il n’y a que deux actrices professionnelles, de donner vie à des personnages de fictions. Et je dois reconnaître que, comme dans Un transport en commun de la réalisatrice franco sénégalaise Dyana Gaye (https://autresarts.blogspot.com/2022/12/un-transport-en-commun-la-realisatrice.html), le résultat est bluffant. Notamment en ce qui concerne la petite fille, Lua Michel, qui n’a que 8 ans et qui fait de Salomé un personnage inoubliable.


Comme tous les étés, Salomé passe ses vacances chez sa grand mère au Portugal. Pendant son séjour, la grand-mère adorée de la petite fille meurt subitement ; c’est le point de départ de disputes interminables et parfois violentes entre les adultes. Dans ce village, on est vraiment loin de tout et c’est bien ce qui fait son charme ; mais aussi tout le monde se connaît et les amitiés, les rivalités, se font jour plus vite. On ne peut que s’étonner aussi de voir à quel point certaines croyances, liées notamment à la sorcellerie, sont tenaces dans ces endroits si retirés. Et je tiens aussi à saluer la performance générale de tous ces acteurs non professionnels qui donnent vie avec une justesse confondante tant à leurs personnages qu’à l’histoire que Christèle Alves Meira a tiré de souvenirs d’enfance liés à la disparition de sa propre grand-mère. Si les décors sont somptueux, les effets spéciaux sont juste exceptionnels et on ne peut que saluer le travail remarquable de l’équipe qui entoure Christèle Alves Meira et qui contribue avec un réel talent à la réussite de ce très beau film qu’est Alma viva.


Christèle Alves Meira réalise là un très beau film qui met le focus sur des aspects pas toujours très connus, je pense entre autres aux croyance en la sorcellerie, de la vie dans les fin-fonds de la campagne portugaise. Si l’équipe technique a fait un excellent travail, je trouve que les effets spéciaux sont exceptionnels et si parfaitement réalisés qu’on y voit que du feu.


Compte rendu, cinéma. TAP-Castille, le 29 novembre 2022. Christèle Alves Meira (née en 1983) : Alma viva. Lua Michel, Salomé ; Ana Padrao, Fatima ; Jacqueline Corado, Aïda ; Ester Catalao, Avo ; Duarte Pina, Tia Dantas ; Cateherine Salée, Cathie ; Martha Quina, Gracinda ; Sonia Martins, Gloria ; Amadeu Alves, Ruben ; Leonel Reis, José ; Pedro Lacerda. Durée : 1 heure 28. Sortie nationale : 15 mars 2023


Crédit photo : Simon Rey

samedi 3 décembre 2022

Rêves cosmiques : un ciné-concert réjouissant à voir en famille


Le 26 novembre dernier était le premier jour effectif du Poitiers Film Festival. Après une très belle soirée d’ouverture marquée par la projection du Film Le parfum vert de Nicolas Pariser (https://autresarts.blogspot.com/2022/11/le-parfum-vert-un-film-policier.html), je suis retournée au Théâtre Auditorium de Poitiers pour assister à la projection de trois jolis dessins animés regroupés sous le titre charmant de Rêves cosmiques. Si les court-métrages ont été réalisés par trois réalisateurs ou dessinateurs différents, la musique, elle, est composée et interprétée par Florent Marchet. La salle du théâtre était bien remplie car les familles étaient venues nombreuses et les petits, âgés de 2 ans (pour les plus jeunes) à 5 ou 6 ans (pour les plus grands) étaient visiblement surexcités à l’idée d’aller au spectacle. Une fois dans la salle j’ai particulièrement apprécié l’ambiance festive qui y régnait malgré les pleurs de ceux qui étaient soit fatigués soit déboussolés de voir tant de monde rassemblés dans le même lieu.


L’après midi commence par la présentation des instruments par le compositeur et interprète Florent Marchet. Et, là aussi, j’ai apprécié de voir le musicien, très zen et très investi, faire une présentation interactive en incluant les enfants avec bonne humeur. Et les petits se prêtent si bien au jeu qu’ils rappellent Marchet à l’ordre avec un sonore « et le vibraphone …. ??? … Ah oui, le vibraphone … ». Une fois la présentation des instruments terminée, la séance commence par la projection de La petite taupe et l’étoile verte de Zdernek Miler (1921-2011). C’est un joli petit dessin animé qui montre les animaux faire le ménage de leurs habitats à l’arrivée du printemps ; La petite taupe trouve une pierre verte très brillante qu’elle prend pour une étoile … La musique de Florent Marchet accompagne les animaux tout en douceur et j’ai apprécié les multiples talents de ce musicien doué qui manie ses instruments sans efforts et avec une gourmandise évidente. Dans Tôt ou tard de Jadviga Kowalska (née en 1982), Florent Marchet accompagne un lapin et une chauve-souris qui cohabitent dans un tronc d’arbre. La p’tite ourse de Fabienne Collet (née en 1967[?]) clôt une séance d’autant plus agréable que les gazouillis des enfants qui accompagnaient les films et la musique nous rappellent que chacun d’entre nous conserve en soi un petit bout d’innocence.


Cette séance aussi courte soit elle, car elle dure à peine une heure a eu un beau succès ; et la joie des enfants d’être dans une salle de théâtre pour voir des dessins animés faisait plaisir à voir. Quant à Florent Marchet, il a donné le meilleur de lui même malgré la brièveté de sa performance ; sa grande réussite, cependant, est d’avoir fait participer les petits en début de séance à la présentation interactive des instruments installés sur le côté de la scène.


Compte rendu film. Poitiers. Théâtre-Auditorium, le 26 novembre 2022. Zdernek Miler (1921-2011) : La petite taupe et l’étoile verte ; Jadviga Kowalska (née en 1982) : Tôt ou tard ; Fabienne Collet (née en 1967 [?]) : La p’tite ourse. Musiques de Florent Marchet (né en 1975) au piano, piano électrique, vibraphone, gong …


Crédit photo Florent Marchet : Marie Rouge (télérama)

Un transport en commun : La réalisatrice franco sénégalaise dyana Gaye porte haut les couleurs de l’Afrique


Le cinéma africain est très peu connu dans le monde en général et en France en particulier. Et c’est bien dommage car ce continent a bien des choses à dire en la matière. La réalisatrice Dyana Gaye (née en 1975) n’est pas une inconnue à Poitiers puisqu’elle fut juré lors de l’édition 2020 du Poitiers Film Festival. Edition qui fut numérique puisque nous étions en plein cœur de la pandémie qui freina sévèrement le secteur culturel pendant trop longtemps. Le thème de l’édition en cours du PFF* est la comédie musicale ; et le moyen-métrage Un transport en commun de Dyana Gaye est un modèle du genre.


C’est donc l’histoire de six personnes qui se rendent à Saint Louis du Sénégal en taxi de brousse. Mais ce sont sept personnes qui ont réservé et l’un des passagers n’est toujours pas arrivé et il est l’heure de partir. S’ensuit une série de péripéties, de rencontres, de parties de cache-cache en chansons et en dialogues plus ou moins épicés qui vont si bien aux comédiens, tous amateurs, qui s’en donnent à cœur joie pendant cinquante minutes. Dyana Gaye, qui a aussi écrit le scénario de son film, prend un malin plaisir à croquer un moment de vie pas aussi banal qu’on pourrait le penser. Cette comédie musicale aussi courte soit elle n’est pas seulement un grand bol d’air frais, elle démontre qu’il n’est pas utile, dans certains cas, d’avoir des acteurs professionnels pour réaliser un film. Et chacun donne le meilleur de lui même / d’elle même sans jamais se prendre la tête.


C’est un film vivant, joyeux, sans filtre que propose Dyana Gaye qui a allié avec talent chanson, danse et comédie. Je ne regrette qu’une chose : que le film ne dure pas plus longtemps tant j’ai eu plaisir à en suivre l’histoire. Le fait que les comédiens qui jouent dans le film soient des amateurs n’est pas gênant car ils sont spontanés et naturels ce qui ajoute un plus non négligeable à cette comédie musicale rafraîchissante que l’on peut voir en famille à l’occasion.


Compte rendu cinéma. Poitiers. TAP Castille, le 1er décembre 2022. Dyana Gaye (née en 1975) : Un transport en commun. Umban Gomez de Kset ; Mbègne Kassé ; Anne Jeanine Barboza ; Bigué N’Doye ; Adja Fall ; Antoin Diandy ; Naïma Gaye ; Marième Diop ; Bakary Cissé ; Gaspard Manesse ; Yakhoub Bâ ; Abdoulaye Diakhaté ; Mame Indou Diop ; Abraham Ba. Durée : 50 minutes.


* PFF : Poitiers Film Festival


Crédit photo Dyana Gaye : Radio France / Getty Images

jeudi 1 décembre 2022

Poitiers Film Festival : l’École Supérieure du Son et de l’Image de Poitiers fait son cinéma


Alors que le Poitiers Film Festival bat son plein les étudiants de l’ESSI* ont eu droit, comme chaque année, à un créneau qui leur a permis de montrer au public le fruit de leur travail. La séance, programmée à 18 heures, débute par la présentation de l’établissement par Aldric Bostffocher, le directeur du TAP Castille, la partie cinéma d’art et d’essai du Théâtre Auditorium de Poitiers. C’est ensuite la directrice des études de l’établissement qui prend la parole pour présenter les jeunes réalisateurs qui présentent ensuite leurs films. Mais avant de laisser la projection commencer, les jeunes lisent un communiqué de presse par lequel on apprend la situation catastrophique des écoles artistiques menacées de toutes parts.


Mais il y a deux problèmes principaux :


- problèmes financiers importants dus à la stagnation des dotations de l’état depuis plusieurs années.


- problèmes de personnels : le manque de personnel enseignant se fait de plus en plus ressentir d’autant qu’il s’agit d’enseignants spécialisés dans un domaine particulier. Il faut aussi savoir que les deux problèmes sont étroitement liés puisque la diminution des subsides menace les postes existants dès la rentrée de janvier 2023.


Le danger étant de voir l’École du son et de l’image perdre son statut d’établissement public pour devenir un établissement d’enseignement privé. Et c’est précisément ce que les étudiants refusent absolument (en dehors des frais de scolarité qui exploseraient si cela devait arriver). Nous tenons à nous faire l’écho de l’inquiétude des élèves et des enseignants de l’ESSI* et à lancer un appel, encore un, à l’État et notamment au ministre de l’enseignement supérieur et à la ministre de la culture concernés au premier chef pour que cette situation cesse au plus vite et que les établissements d’enseignement supérieur spécialisés dans les différents secteurs de la culture soient pris en considération et voient leurs conditions d’existence , et même de survie pour certains, s’améliorer au plus vite (pour la rentrée de Janvier 2023 au plus tôt voire pour la rentrée de septembre 2023). Les étudiants ont d’ailleurs décidé d’exposer leur colère au public : https://www.lanouvellerepublique.fr/poitiers/a-poitiers-les-etudiants-de-l-ecole-superieure-de-l-image-eesi-exposent-leur-colere


Les court-métrages de ces jeunes gens sont divers tant par les sujets abordés, fictions, documentaires, films d’animation … que par leur durée (de 1’’48 à 22’’41) et j’ai apprécié de voir la belle motivation de ces jeunes gens qui ont choisi très tôt de vivre de leur passion pour le cinéma. Il ne faut pas oublier que le films court moyen ou long-métrages se « fabriquent » en équipe et qu’outre le réalisateur (ou la réalisatrice) les ingénieurs du sons, les décorateurs, les accessoiristes … sont aussi des étudiants de l’ESSI et que leur travail se doit d’être encouragé et soutenu.


Nous lancons un appel aux ministres concernés pour que l’ESSI en particulier, et accessoirement les écoles d’art d’une manière plus générale puissent continuer à vivre et à accueillir des étudiant(e)s qui veulent vivre de leur passion et exercer leurs talents en France.


* ESSI : École Supérieure du Son et de l’Image


1) Car ride 1 Sarzec-Ensouless (Robin Cognez) : comment faire rouler sa voiture sans allumer le moteur ; 2) Bà Nôi (Etienne Truong) : à travers une lettre animée, le réalisateur revient sur un évènement qui l’a beaucoup perturbé dans son enfance et qui le poursuit encore une fois devenu adulte : l’abandon de sa demi-sœur ; 3) Corps en silence (Laura Castellan) : Pour leur malheur trois amis suivent une cycliste dans la forêt ; 4) Tintin en Algérie (Clara Niveau-Juteau) : La réalisatrice revient, avec son grand-père sur la guerre d’Algérie qu’il vécut de l’intérieur puisqu’il y passa trois ans ; 5) Thibault (Morgan Nadal) : Thibault, bûcheron solitaire parle de son travail et des réglementations qui le régissent ; 6) Subside* (Anaïs Gastineau) : film inspiré de faits-divers réels qui peuvent arriver à chacun d’entre nous ; 7) un troupeau de patates (Gaston Olive) : la vie et la fin d’un troupeau de patates qui ne peut échapper à son plus redoutable prédateur ; 8) A vide (Mathilde Fichet) : ce qui arrive quand on vide une maison ; 9) Kaaris raconte la fois où Future a pleuré devant un poulet braisé (Alexandre Matthewman) : dans une soirée, il y a toujours des contre-soirées ; 10) Speechiess (Pauline Merchault) : Recette pour confectionner une bombe. Un apéro entre ami(e)s tout à fait normal


* Subside : film réalisé en 3D


Crédit photo : Camille Montagnon (groupe La Nouvelle République / Centre Presse)

La grande magie : Noémie Lvovsky réalise un film à partir de la pièce d’Eduardo de Filippo

Si le court-métrage est au cœur du Poitiers Film Festival, il y en a 40 qui ont été sélectionnés sur 1350 qui avaient été envoyés au comité de sélection, il y a également des long-métrages présentés en avant-première et des comédies musicales, Annette et Les demoiselles de Rochefort, en l’occurrence, projetées au TAP-Castille, les salles de cinéma d’art et d’essai du Théâtre Auditorium de Poitiers, ou au TAP*. Dans cette optique La grande magie de Noémie Lvovsky est le second des cinq long-métrages présentés en avant-première au Poitiers Film Festival.


Si la pièce d’Eduardo de Filippo sert de base au film de Noémie Lvovsky, elle nous a dit, lors du débat qui a suivi la projection, avoir dû réarranger quelques scènes du chef d’oeuvre de De Filippo, et adapter le personnage d’Albert, le magicien, à la « personnalité solaire » de Sergi Lopez. Donc, La grande magie, ou, devrait on dire, la grande illusion, c’est l’histoire d’un magicien qui divertit les clients d’un hôtel pendant leur séjour. Si le spectacle est « habituel », Marta (Judith Chemia) l’épouse du possessif Mr Moufflet (Denis Podalydès) saisit l’occasion du « tour du cercueil » pour s’enfuir et quitter le carcan qui l’étouffe mettant, dans le même temps, Albert et son assistante, qui est aussi sa femme, dans l’embarras face à un Moufflet tellement « normal », borné, sans imagination, insistant qu’Albert lui donne une boîte dans laquelle Marta est « enfermée ». Cette boîte lance la grande illusion dans laquelle Charles va vivre pendant quatre ans et dont il va refuser de sortir malgré le retour de Marta qu’il chasse car il refuse d’admettre que c’est bien elle. Si Noémie Lvovsky est excellente, Armelle, Sergi Lopez et Denis Podalydès sont brillants dans leurs rôles respectifs et l’on comprend d’emblée pourquoi Albert, magicien sombre et « nocturne » dans la pièce de De Filippo devient si rayonnant et solaire dans le film. Marta est un rôle assez court il est suffisamment marquant pour qu’on ne l’oublie pas ; et Judith Chemia en fait une jeune femme de caractère. François Morel mène de main de maître la distribution des rôles secondaires tous très bons et marquants tant la caméra de Noémie Lvovsky les met en avant sans fard. Lvovsky qui préfère parler de film musical plutôt que de comédie musicale tout en se refusant à se dire comédienne-chanteuse. Cependant, les chansons, composées par Feu Chatterton, sont interprétées avec talent et bonne humeur et je n’ai remarqué aucune faute majeure. Aucun des comédiens n’étant artiste lyrique il n’est pas étonnant de voir Podalydès chanter assez faux « E lucevan le stelle » (Tosca, Giacomo Puccini [1858-1924]) ; cela étant dit, la scène prête plutôt à sourire et il ne faut pas se formaliser sur cette performance qui n’en est pas une au sens propre du terme.


Même si Noémie Lvovsky réfute le terme, et je me demande bien pourquoi d’ailleurs, c’est une comédie musicale fort sympathique qui nous a été présentée samedi dernier. La distribution réunie pour ce beau long-métrage est remarquable et est menée de main de maître par un quatuor de très belle tenue : Sergi Lopez, Denis Podalydès, Armelle et Noémie Lvovsky. Et avec François Morel et Judith Chemia on a deux rôles secondaires de grand luxe ; mais ne nous y trompons pas, c’est bien l’ensemble des comédiens réunis pour La grande magie qui fait de ce film-comédie musicale une véritable réussite. La sortie nationale de La grande magie est prévue pour le 8 février 2023 ; je vous encourage vivement à aller voir cette très belle production qui vous rendra le sourire.


Compte rendu film. Noémie Lvovsky (née en 1964) : La grande magie d’après la pièce éponyme d’Eduardo de Filippo. Sergi Lopez, Albert ; Denis Podalydès, Charles ; Judith Chemia, Marta ; Noémie Lvovsky ; Damien Bonnard ; François Morel ; Rebecca Marder ; Jean Luc Bideau ; Anne Benoit ; Anne Rotger ; Armelle ; Micha Lescot ; Laurent Poitreneaux ; Arthur Teboul ; Paolo Mattei. Durée : 1 heure 50

* TAP : Théâtre Auditorium de Poitiers


Crédit photo : Marco Piovanotto