dimanche 28 septembre 2025

L’Étranger : le livre culte d’Albert Camus adapté au cinéma par François Ozon


                                 

                                        @ crédit photo : Carlos Alvarez


Un travail de Titan sur un livre mythique


S’il y a bien un livre qui est devenu culte dès sa sortie c’est bien l’Étranger d’Albert Camus (1913-1960). Cela étant dit, c’est la seconde fois qu’un cinéaste « ose » s’attaquer à une montagne et l,adapter au cinéma car Luchino Visconti réalisa un opus en 1967 : Lo straniero avec Marcello Mastroiani dans le rôle de Meursault. François Ozon est donc le second à adapter le livre de Camus au cinéma. Cela a demandé un travail considérable en amont, non seulement avec Philippo Piazzo, son co scénariste mais aussi avec la fille d’Albert Camus, Catherine (née en 1945). François Ozon dit avec justesse que « Dans toute adaptation, il y a une part de trahison qu’il faut assumer ». Et il applique cette maxime sans complexe avec L’Étranger sous le regard bienveillant de Catherine Camus.


L’Algérie et le colonialisme au coeur du livre et du film


« Pour des raisons politiques évidentes mais aussi de sécurité nous n’avons pas pu aller en Algérie. Nous avons donc du nous adapter ; mais nous avons pu montrer Alger grâce aux archives des années 1930 pour montrer même furtivement ce qu’était la colonisation de l’Algérie par la France » nous dit François Ozon. Mais s’il n’a pas tourné en Algérie, l’ancien département français devenu indépendant le 5 juillet 1962, est constamment dans les pensées et les échanges entre les personnages. Les termes « arabes », « indigènes » reviennent sans cesse dans la bouches des personnages. Ainsi, lorsque le vieux prisonnier algérien lui demande pourquoi il est en prison Meursault lui répond sans détours : « J’ai tué un arabe ». Pendant le procès, un an après les faits, le procureur parle régulièrement des indigènes tandis que Djemila, répondant à Marie, dit : « C’est mon frère et tout le monde s’en fout. Personne ne parle de lui »


Des décors et des costumes parfaits pour un film en noir et blanc


« Privé » de tournage en Algérie à cause des tensions politiques très fortes avec la France, François Ozon et Katia Wyszkop, sa décoratrice, ont dû se rabattre sur d’autres décors assez proches cependant des plages algériennes et de son désert. Et on ne peut que saluer le beau travail du réalisateur qui a magnifié les différents sites découverts par Katia Wyszkop qui a parfaitement su rendre « l’illusion » de l’Algérie d’alors. Pascaline Chaval, la costumière a également fait un travail remarquable ; toute la distribution est habillée du plus petit rôle jusqu’aux rôles principaux avec goût même si l’on ne s’en rend pas compte étant donné que le film a été tourné en noir et blanc. « Ce sont des raisons économiques et esthétiques qui m’ont poussé à tourner en noir et blanc. Économiques car nous avons choisi de privilégier les décors et les costumes ; esthétiques car le noir et blanc apporte une forme de beauté, de pureté, d’abstraction. Je voulais aussi conserver une forme de simplicité, et filmer en noir et blanc me permettait de le faire. » dit François Ozon ; et en effet on baigne dans une certaine forme d’intimité que l’on n’aurait sans doute pas trouvé si le film avait été tourné en couleurs. Tout le procès de Meursault laisse transparaître une forme d’angoisse et de tension plus fortes en noir et blanc. On saluera la très belle musique composée par Fatima Al Qadiri qui est Koweïtienne et qui a fait un travail parfait pour « accompagner » l’Étranger.


Une distribution remarquable qui fait honneur à Albert Camus


C’est Benjamin Voisin qui prête ses traits à Meursault. Le jeune homme qui a déjà travaillé avec François Ozon en 2020 pour Eté 85, retrouve donc le cinéaste pour L’Etranger. Benjamin Voisin s’approprie ce rôle complexe avec une apparente facilité ; mais comme il le dit lui même, il a beaucoup travaillé en amont pour parvenir à jouer l’indifférence, sans beaucoup bouger, sans beaucoup parler. « Ne presque rien faire, ne presque rien dire c’est hyper physique ! A la fin de chaque journée de tournage, j’étais complètement épuisé. » dit Benjamin Voisin qui a pris ce beau projet tellement à cœur qu’il a lu le livre de Camus à plusieurs reprises pour s’imprégner de la personnalité étrange et complexe de Meursault. Rebecca Marder campe une très belle Marie Cardona. Dans le livre d’Albert Camus on la voit très peu mais pour les besoins du film, François Ozon lui a donné une présence plus importante (c’est l’une des trahisons dont il parle par ailleurs). La jeune femme brosse un portrait séduisant de Marie qui soutient Meursault jusqu’au bout. Pierre Lottin que j’avais vu l’hiver dernier dans En fanfare (https://autresarts.blogspot.com/2025/01/benjamin-laverhne-et-pierre-lottin.html) est un Raymond Sintès idéal : méprisant envers le genre humain et les femmes en particulier, arrogant, il ne laisse personne indifférent. Pierre Lottin change de registre avec talent et j’ai particulièrement apprécié de le voir incarner un personnage aussi retors. Si Albert Camus ne lui a pas donné de nom de famille, François Ozon l’a fait mais n’est ce pas là un point de détail ? Pour accompagner ce trio de toute beauté, on a une distribution superbe : Christophe Malavoy en juge, Nicolas Vaude en procureur et Jean-Charles Clichet en avocat de la défense incarnent la justice française dans toute son impitoyable crudité au point que l’avocat de la défense se demande devant toute la salle d’audience si son client est condamné pour avoir tué un homme ou pour n’avoir pas pleuré à l’enterrement de sa mère. La question posée n’aura jamais de réponse pas plus que l’on ne saura si le pourvoi du condamné est accepté ou rejeté ; mais Meursault lui même semble repousser l’idée de sortir libre de prison.


C’est un très bel opus que François Ozon s’apprête à sortir. Je ne doute pas que Albert Camus lui même aurait apprécié le travail rigoureux du cinéaste et donné son aval à la très belle distribution réunie par François Ozon pour son film.


Compte rendu, cinéma. Poitiers. TAP Castille, le 24 septembre 2024. François Ozon (né en 1967) : L’étranger tiré du livre éponyme de Albert Camus (1913-1960). Benjamin Voisin, Meursault ; Rebecca Marder, Marie Cardona ; Pierre Lottin, Raymond Sintès ; Denis Lavant, Salamano ; Swann Arlaud, aumônier prison ; Christophe Malavoy, le juge ; Nicolas Vaude, le procureur ; Jean-Charles Clichet, l’avocat ; Mireille Perrier, Mère Meursault ; Hajar Bouzaouit, Djemila ; Abderramane Dehkami, Moussa ; Jérôme Pouly, Céleste ; Jean-Claude Bolle-Reddat, concierge asile ; Christophe vandevelde, Masson ; Jean-Benoît Ugueux, directeur asile. François Ozon / Philippe Piazzo, scénario ; Manu Dacosse, image ; Katia Wyszkop, décors ; Pascaline Chaval, costumes ; Fatima Al Qadiri, musique Sortie nationale : 29 octobre 2025

dimanche 7 septembre 2025

Une belle saison au Théâtre Auditorium de Poitiers


                                       @ crédit photo : Arthur Péquin


Après deux mois de repos bien mérité, Raphaëlle Girard et une partie de son équipe ont présenté la nouvelle saison du Théâtre Auditorium à la presse. Je vous ai déjà parlé de la partie musique classique et contemporaine (). Nous parlerons dans cette notule de tout le reste. Je regrette la disparition des rencontres Michel Foucault qui attiraient pourtant de plus en plus de monde pour laisser la place à une nouvelle manifestation. Comme d’habitude, le Poitiers Film Festival et le festival A Corps feront l’objet d’articles spécifiques le moment venu (fin octobre début novembre pour l’un et fin février début mars pour l’autre). Les responsables du TAP travaillent sans relâche pour proposer des spectacles variés ; cela étant dit, le TAP ayant le label C Musique, ils proposent plus de 50 % de spectacles musicaux. Mais les arts vivants ne se limitent pas qu’à la musique c’est pourquoi ils proposent aussi des spectacles de théâtre, de danse, de cirque. Je rappelle que la saison commence dès le 11 septembre avec la première série de vagabondages (https://lyriqueinfo.blogspot.com/2025/08/vagabondages-la-saison-du-theatre.html) qui se termine le 21 septembre prochain.


Musiques


1) musique classique et contemporaine


https://lyriqueinfo.blogspot.com/2025/08/la-saison-musicale-du-theatre.html


Je n’y reviendrai donc pas ici car ce n’est pas le sujet de cette notule.


2) autres musiques


C’est une saison intéressante qui s’annonce au Théâtre Auditorium de Poitiers. Comme d’habitude il y a des têtes d’affiches


Arts du cirque


C’est une quinzaine de spectacles de cirque qui sont programmés tout au long de la saison.


Comme de bien entendu la période de l’avent « ouvrira » le bal avec un spectacle présenté par une troupe de 18 femmes. « Portés de femmes » est un projet de la compagnie Projet PDF et ne manque pas d’intérêt. Il se


Théâtre


Mais l’art vivant c’est aussi le théâtre ; et Raphaëlle Girard et ses équipes ont bien travaillé. Bien sur on retrouve la compagnie Les chiens de Navarre avec un spectacle dont le sujet est quelque peu glaçant puisque leur pièce traite de la violence conjugale et des abus sexuels ; c’est pourquoi il est interdit aux spectateurs de moins de 16 ans (« I will survive » comporte en effet des scènes de violences traitées frontalement et sans aucun humour). Jean François Sivadier, artiste associé au TAP depuis 2024 revient en juin 2026 avec « Ivanov » une pièce d’Anton Tchekhov (1860-1904). La proposition théâtrale ne manque pas d’intérêt ; comme on ne peut pas tout mettre, la brochure de saison sera votre amie jusqu’à la présentation de la saison.


Danse


Le festival A Corps reste LE grand moment de la saison et fera l’objet d’un article à part dans le courant de l’année (sans doute fin février ou début mars). Cela étant dit, d’autres spectacles de danses ont été programmés pendant la saison ; nous vous invitons à feuilleter la brochure de saison.


Cinéma


Le Poitiers Films Festival est un incontournable de la saison du Théâtre Auditorium de Poitiers. Plusieurs réalisateurs primés au festival ont d’ailleurs fait carrière comme réalisateurs de long métrage avec plus ou moins de bonheur. Cela étant dit, il fera l’objet d’une notule à part dans le courant du mois de novembre mais on sait déjà que le thème de l’édition 2025 est « faire famille » et que le pays invité est l’Italie. Et bien sûr les avant premières se poursuivront comme lors de la saison précédente.


Les midis (ex ciné ou spectacle sandwich)


Bien installés dans le paysage culturel local, on aura droit à une dizaine de gratuits qui attirent toujours plus de monde. Le partenariat avec les expressifs a été officialisé et le premier Midi de la saison qui débute se déroulera le 3 octobre à 12h30 au TAP cinéma pendant le festival qui se déroulera du 2 au 4 octobre prochain. Une autre partie, celle concernant le théâtre, la danse et la musique se déroulera dans le foyer général du TAP à intervalles réguliers.


Infos pratiques


Mercredi 10 septembre : présentation de la saison à partir de 19 heures


Jeudi 11 septembre : ouverture des abonnements en ligne. Attention si vous bénéficiez de réductions (carte culture, carte le joker par exemple) vous ne pourrez pas en profiter sur la prise d’abonnements en ligne


Samedi 13 septembre : ouverture des abonnements au guichet. La prise de rendez-vous par téléphone est ouverte depuis le mercredi 3 septembre au 05 49 39 29 29


Pour tout autre renseignement c’est ici : https://www.tap-poitiers.com/


Présentation de saison. Poitiers. Petit salon, le 4 septembre 2025. Raphaëlle Girard, directrice générale du Théâtre Auditorium de Poitiers ; Alexandre Huchon, administrateur de production et conseiller musique classique et contemporaine ; Jérémie Pottier-Grosman, directeur du TAP Cinéma ; Corinne Delaval, responsable de projet ; Ingrid Gouband, chargée de communication ; Nina Erens, attachée au service communication.