Olivier Py est reconnu de longue date comme un metteur en scène de théâtre et d’opéra. Mais 25 ans après son premier film, selon lui, il revient au cinéma en réalisant un film sur les deux dernières heures de la vie de Jean Baptiste Poquelin que nous connaissons tous sous son nom de théâtre : Molière. Le Théâtre Auditorium de Poitiers a eu le privilège d’accueillir la seconde avant première de la tournée d’Olivier Py et de son nouveau film. L’avant première du film a aussi été l’occasion pour la directrice du Théâtre Auditorium de Poitiers de présenter au public, venu nombreux, de présenter le nouveau directeur du TAP Castille qui prendra ses fonctions le 1er mars prochain.
Homme de théâtre, Olivier Py a particulièrement soigné les décors et les costumes qui sont superbes et emmènent d’emblée le spectateur dans la France de Louis XIV. Si la mise en scène et la réalisation sont de très belle facture, je regrette que Py ait été un peu excessif par moments, notamment dans la réalisation des scènes homosexuelles. Malgré ce bémol, Olivier Py a fait un travail superbe tant sur la scénographie globale du film, que sur la mise en scène de la pièce dont on ne voit d’ailleurs que des extraits car « Le malade imaginaire n’était pas l’objet du film et je ne souhaitais en montrer que des extraits » nous dit Olivier Py pendant le débat qui a suivi la diffusion du film. Les allers-retours entre la salle et les coulisses montrant les vies parallèles des comédiens et des spectateurs sont parfaits car ils permettent au spectateur de voir les réactions « à chaud » d’un public toujours aussi nombreux malgré l’absence de Louis XIV qui a « lâché » Molière et sa troupe depuis longtemps tout en montrant les intrigues amoureuses et les rivalités latentes, comme si une partie de la troupe n’attendait que la mort du « patron » pour faire sédition (c’est à ce moment qu’eut lieu la première évocation de la Comédie Française qui sera fondée en 1680 sur ordonnance de Louis XIV et qui regroupera la troupe de Molière et celle de l’hôtel de Bourgogne).
Quant à la distribution elle est exceptionnelle, menée de main de maître par un Laurent Lafitte (Molière) en grande forme. Le comédien campe à merveille un Molière parfaitement conscient d’être mourant mais déterminé à mener la représentation du Malade imaginaire à son terme. Stacy martin est une belle Armande mais manque un peu de « peps » face à la tornade Laurent Lafitte qui entraîne tout sur son passage. Cependant, la jeune femme brosse un joli portrait d’Armande. Omniprésente dans la vie de la France du XVIIe l’Église est représentée par un cardinal (Pierre-André Weitz) caricaturé avec un humour certain par Olivier Py ; l’objectif d’Armande étant d’obtenir que Molière soit enterré en terre chrétienne. Si finalement la jeune femme échoue, Molière réagissant violemment en déchirant avec hargne la lettre de renoncement au métier de , on peut aussi se demander quel était son but réel. Le trio de « vieilles harpies » délicieusement costumées et outrageusement grimées est interprété magnifiquement et de manière totalement hilarante par Judith Magre (qui, âgée de 97 ans, est en grande forme et mordante à souhait), Dominique Frot et Catherine Morand. La Madeleine de Jeanne Balibar est émouvante malgré l’amertume d’avoir vu de son vivant Molière la quitter pour sa fille à elle. On ne manquera pas de saluer les très belles performances de Bertrand de Roffignac (Michel Baron), Jean Damien Barbin (Chapelle), Émilien Diard-Detoeuf (La Grange), Gray Orsatelli (le duc de Bellegarde), Céline Chéenne (Catherine de Brie) et d’Eva Rami (la Beauval).
Le débat qui a suivi la diffusion du Molière imaginaire était d’autant plus intéressant qu’Olivier Py a parlé du travail de recherche impressionnant qu’il a réalisé en amont du film, tant autour de la mort de Molière que de ses funérailles qui restent somme toutes assez mystérieuses. Mais il a aussi parlé de la réalisation du film qui a duré trois semaines et pour laquelle il a utilisé plusieurs types de caméra et même un smartphone pour certaines scènes qui se déroulaient dans les coulisses. Le public, venu nombreux, a réservé un accueil très chaleureux à Olivier Py qui y a été sensible.
Compte rendu, cinéma. Poitiers. Théâtre, le 29 janvier 2024. Olivier Py (né en 1965) : Le Molière imaginaire. Laurent Lafitte, Molière ; Stacy Martin, Armande ; Bertrand de Roffignac, Michel Baron ; Jean-Damien Barbin, Chapelle ; Emilien Diard-Detoeuf, La Grange ; Gray Orsatelli, le duc de Bellegarde ; Jeanne Balibar, Madeleine ; Céline Chéenne, Catherine de Brie ; Eva Rami, La Beauval ; Pierre-André Weitz ; Judith Magre ; Dominique Frot ; Catherine Morand. Sortie nationale : 14 février 2024
Crédit photo : Nicolas Tucat
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