En général, je vais au théâtre essentiellement pour assister aux concerts de musique classique et contemporaine. Mais il ne me déplaît pas, à l’occasion de sortir de ma zone de confort : théâtre, jazz, variétés, seuls en scène … Bref autant de soirées qui me permettent de « voir autre chose ». Après un seul en scène au mois de mars intitulé « Phèdre ! » et interprété avec talent par Romain Daroles (https://autresarts.blogspot.com/2022/03/phedre-un-seul-en-scene-hilarant-autour.html), je suis retournée hier soir au Théâtre Auditorium de Poitiers pour un autre seul en scène conçu et interprété par un humoriste régional (car il est de Poitiers) : Jérôme Rouger.
A peine plongée dans la pénombre du début de soirée, le public se laisse surprendre par une musique venue d’Afrique (je ne me rappelle plus quel pays car le déroulé qui accompagnait la chanson en question allait vraiment trop vite) Après cette introduction en fanfare, rideau toujours fermé, Jérôme Rouger nous explique comment il a tenté de faire une « appropriation culturelle » d’une autre culture à son profit pour mettre en exergue qu’à agir ainsi c’est aussi une manière de nier aux autres cultures le droit d’exister par elles mêmes. Une fois le rideau levé, le public voit un salon avec deux canapés, une table basse avec un apéritif dessus, un écran qui sert de télé, d’écran de jeux de toutes sortes (de l’antique ping pong, datant des années 1970/1980, aux jeux avec lasers, avatars …), d’écran d’appels vidéos … côté cour et côté jardin ce sont des costumes et un pied de micro qui sont installés. Le décor est donc suffisamment bien fourni pour laisser penser que tout ou presque servira à l’artiste visiblement très en forme.
Parmi les sketches, je retiens l’excellent passage sur l’imbécilité (qui avait donné lien à un seul en scène totalement hilarant sur ce seul thème peu après le premier confinement. On en avait tous pris pour notre grade mais cela reste un souvenir inoubliable) ; le thème reviendra d’ailleurs à deux ou trois reprises sur le tapis. Mais le plus drôle reste « l’acte 3 » volontairement placé en second, et dans lequel Jérôme Rouger nous a sorti un numéro d’anthologie sur les jeux vidéos et leurs dangers notamment en y mêlant avec un humour décapant un appel à candidatures du ministère de la culture (Riester et Bachelot en ont pris pour leur grade) pour créer un jeu vidéo à intégrer à un spectacle participatif. Ce fut là un gigantesque moment de rire dans la salle et aucun spectateur n’est resté indifférent à un tel déferlement d’humour et de coups portés aux gouvernants (histoire de rappeler, l’air de rien, que le secteur culturel restait l’un des grands oubliés de deux ans de crise sanitaire et de la campagne présidentielle qui vient de s’achever par le résultat que l‘on connaît tous) : « l’art ne permet pas de sauver la culture » martèle-t-il fort justement ; et il n’a pas totalement tort. L’art permet de faire et de dire beaucoup de choses, mais il ne fait pas tout. Je dois reconnaître que Rouger a fait un excellent travail et que ce troisième acte qui n’en est pas un est un grand moment de rire que j’espère bien voir diffusé autant que possible. Je retiendrai aussi le rappel en chansons de la volonté, souvent inaboutie, vouloir aider les autres (avec « Éthiopie » ou encore « la chanson des restos » devenue l’hymne des enfoirés : Jérôme Rouger rappelle ainsi que l’on meurt toujours de faim dans de nombreux endroits de la planète ou qu’il y a toujours des précaires et des SDF en France et renvoie certaine(s) personne(s) face à leurs (ses) responsabilités.
Je connaissais déjà Jérôme Rouger pour avoir vu son seul en scène inénarrable sur l’imbécilité (une heure de rires ininterrompus bienvenue après deux mois de « prison sanitaire »), mais là il s’est surpassé. Et l’heure et demi du spectacle a passé sans que je m’en aperçoive. A l’occasion, allez y, car En cas de péril imminent vaut vraiment le déplacement, que l’on soit seul ou en famille.
Compte rendu théâtre. Poitiers. Théâtre, le 11 mai 2022. Jérôme Rouger (né en 1970) : En cas de péril imminent. Interprété par Jérôme Rouger, comédien et humoriste. Durée : environ 1 heure 30
Crédit Photo : Maxime Bernard (La Charente libre)