jeudi 12 mai 2022

En cas de péril imminent : un seul en scène totalement déjanté conçu et interprété par Jérôme Rouger

 


En général, je vais au théâtre essentiellement pour assister aux concerts de musique classique et contemporaine. Mais il ne me déplaît pas, à l’occasion de sortir de ma zone de confort : théâtre, jazz, variétés, seuls en scène … Bref autant de soirées qui me permettent de « voir autre chose ». Après un seul en scène au mois de mars intitulé « Phèdre ! » et interprété avec talent par Romain Daroles (https://autresarts.blogspot.com/2022/03/phedre-un-seul-en-scene-hilarant-autour.html), je suis retournée hier soir au Théâtre Auditorium de Poitiers pour un autre seul en scène conçu et interprété par un humoriste régional (car il est de Poitiers) : Jérôme Rouger.


A peine plongée dans la pénombre du début de soirée, le public se laisse surprendre par une musique venue d’Afrique (je ne me rappelle plus quel pays car le déroulé qui accompagnait la chanson en question allait vraiment trop vite) Après cette introduction en fanfare, rideau toujours fermé, Jérôme Rouger nous explique comment il a tenté de faire une « appropriation culturelle » d’une autre culture à son profit pour mettre en exergue qu’à agir ainsi c’est aussi une manière de nier aux autres cultures le droit d’exister par elles mêmes. Une fois le rideau levé, le public voit un salon avec deux canapés, une table basse avec un apéritif dessus, un écran qui sert de télé, d’écran de jeux de toutes sortes (de l’antique ping pong, datant des années 1970/1980, aux jeux avec lasers, avatars …), d’écran d’appels vidéos … côté cour et côté jardin ce sont des costumes et un pied de micro qui sont installés. Le décor est donc suffisamment bien fourni pour laisser penser que tout ou presque servira à l’artiste visiblement très en forme.


Parmi les sketches, je retiens l’excellent passage sur l’imbécilité (qui avait donné lien à un seul en scène totalement hilarant sur ce seul thème peu après le premier confinement. On en avait tous pris pour notre grade mais cela reste un souvenir inoubliable) ; le thème reviendra d’ailleurs à deux ou trois reprises sur le tapis. Mais le plus drôle reste « l’acte 3 » volontairement placé en second, et dans lequel Jérôme Rouger nous a sorti un numéro d’anthologie sur les jeux vidéos et leurs dangers notamment en y mêlant avec un humour décapant un appel à candidatures du ministère de la culture (Riester et Bachelot en ont pris pour leur grade) pour créer un jeu vidéo à intégrer à un spectacle participatif. Ce fut là un gigantesque moment de rire dans la salle et aucun spectateur n’est resté indifférent à un tel déferlement d’humour et de coups portés aux gouvernants (histoire de rappeler, l’air de rien, que le secteur culturel restait l’un des grands oubliés de deux ans de crise sanitaire et de la campagne présidentielle qui vient de s’achever par le résultat que l‘on connaît tous) : « l’art ne permet pas de sauver la culture » martèle-t-il fort justement ; et il n’a pas totalement tort. L’art permet de faire et de dire beaucoup de choses, mais il ne fait pas tout. Je dois reconnaître que Rouger a fait un excellent travail et que ce troisième acte qui n’en est pas un est un grand moment de rire que j’espère bien voir diffusé autant que possible. Je retiendrai aussi le rappel en chansons de la volonté, souvent inaboutie, vouloir aider les autres (avec « Éthiopie » ou encore « la chanson des restos » devenue l’hymne des enfoirés : Jérôme Rouger rappelle ainsi que l’on meurt toujours de faim dans de nombreux endroits de la planète ou qu’il y a toujours des précaires et des SDF en France et renvoie certaine(s) personne(s) face à leurs (ses) responsabilités.


Je connaissais déjà Jérôme Rouger pour avoir vu son seul en scène inénarrable sur l’imbécilité (une heure de rires ininterrompus bienvenue après deux mois de « prison sanitaire »), mais là il s’est surpassé. Et l’heure et demi du spectacle a passé sans que je m’en aperçoive. A l’occasion, allez y, car En cas de péril imminent vaut vraiment le déplacement, que l’on soit seul ou en famille.


Compte rendu théâtre. Poitiers. Théâtre, le 11 mai 2022. Jérôme Rouger (né en 1970) : En cas de péril imminent. Interprété par Jérôme Rouger, comédien et humoriste. Durée : environ 1 heure 30


Crédit Photo : Maxime Bernard (La Charente libre) 

samedi 7 mai 2022

Downtown Abbey 2 : une ère nouvelle. Une seconde suite pour la série


 

Dans les années 2010, la série télévisée «Downtown Abbey » a connu un joli succès en France pendant six saisons. La vie du comte de Grantham et de sa famille, les Crawley, et de ses domestiques dans le château familial de «Downtown Abbey » ; les Crawley, comtes de Grantham vivent dans l’Angleterre du début du XXe siècle sous le règne du roi Georges V (roi dont la visite à Downtown est relatée dans le film précédent, datant de 2019). Si la série se déroule de 1912 (juste après le naufrage du Titanic dans lequel l’héritier du comte de Grantham trouve la mort) jusqu’à 1926 (en plein milieux des années folles) ; le premier film sorti en 2019 se déroule en 1927 et celui ci, sorti le 27 avril, se déroule en 1928. Si le premier film relate la visite du roi Georges V et de son épouse la reine mary (venus avec leur fille et une kyrielle de domestiques arrogants et mesquins (ils travaillent à Buckingham Palace et s’estiment donc plus compétents et meilleurs que ces petits domestiques qui servent des aristocrates provinciaux) qui se feront d’ailleurs piéger comme des bleus par les sympathiques domestiques de la famille Crawley) à Downtown ; les situations rocambolesques de ce premier film m’ont fait éclater de rire, parfois, et sourire souvent. Si en 2019, le spectateur avait la possibilité de voir le premier film en VF* ou en VOSTF**, ce n’est pas le cas du second film (je doute qu’il y ait un 3e film étant donné que la comtesse Violet (magistralement interprétée par une Dame Maggie Smith survoltée et pleine d’humour) décède peu avant la fin du film).


Donc, « Down Town Abbey : une nouvelle ère » : dans ce second film, qui dure un peu plus de deux heures, on retrouve la famille Crawley qui s’est agrandie puisqu’il y a le petit garçon de lady Sybil qu’elle a eu avec son mari (après avoir eu une fille, Marygold, hors mariage), la fille, Margaret, qu’elle a eu avec son second époux (qui parcours l’Europe des courses automobiles plutôt que de rester avec sa femme), Maud, la nouvelle épouse de Branson, l’ancien chauffeur de la famille qui a épousé lady Édith avec qui il a eu une fille, Sibbie qui s’est retrouvé orpheline après le décès de sa mère dans un accident de voiture. Il y a bien sûr l’inénarrable Lady Violet de Maggie Smith qui domine avec une belle autorité et une bonne dose d’humour la famille malgré son âge avancée et la maladie qui finira par l’emporter. C’est d’ailleurs plus ou moins autour d’elle que tourne l’une des intrigues du film puisque l’on apprend qu’elle hérite d’un manoir dans le sud de la France (du côté de Nice) ; manoir qui appartenait à l’un de ses amours de jeunesse le marquis de Montmirail et dont on apprend aussi qu’elle a décidé de le léguer à Sibbie, la fille de Lady Sybille trop tôt disparue. On apprendra également par le notaire de la famille que le marquis avait fait quatre testaments et que dans chacun de ces documents le manoir en question revenait de façon systématique à lady Violet « mon adorée ». Dans les nouveaux personnages, on note la présence de Nathalie baye en Marquise de Montmirail délicieusement retorse, jalouse, aigrie et particulièrement procédurière. Tout ça pour rien puisque son fils, incarné avec talent par l’excellent Jonathan Zaccaï que je découvrais à l’occasion de ce film, se confronte à elle sans rancoeur mais avec fermeté et respecte à la lettre les volontés de son défunt père. Les scènes tournées en France sont de très belle facture tout le savoir vivre anglais, très suranné, se mélange aux bonnes manières françaises avec élégance. Hugues Bonneville (Robert Crawley) et le drôlissime Mr Carson (bien malgré lui d’ailleurs tant il ne réalise pas que son rigorisme sévère, limite « frigide » est totalement vintage), le majordome du comte de Grantham, de Jim Carter est à croquer ; cela étant dit, il est très loyal envers la famille qu’il sert depuis qu’il est tout jeune et qui lui a permis, au gré des promotions successives, de devenir ce qu’il est : un majordome remarquable très apprécié tant par la famille que par les autres domestiques.


L’autre intrigue du film se déroule à Downtown parallèlement à l’intrigue « française » ou une équipe de cinéma débarque au château pour y tourner un film muet qui devient parlant en cours de route (le cinéma est devenu parlant en 1927, mais il y avait encore une production très importante de films muets tant en Angleterre qu’en France). C’est lady Mary, la fille aînée de Robert et Cora Crawley, qui gère le château, le domaine et l’équipe du film en leur absence et dont l’actrice principale est odieuse avec tout le monde, collègues, figurants, équipe de tournage, « upstairs » (la famille Crawley) et « downstairs » (les domestiques). C’est aussi l’occasion de constater le pouvoir de séduction de lady Mary sur le réalisateur qui se confie beaucoup à elle sur ses difficultés : financières (la production tarde à lui envoyer l’argent dont il a besoin pour payer son équipe et les figurants (entre autres), humaines (il a bien du mal à gérer miss Myrna Dalgleish – fort bien interprétée au passage par Laura Haddock – son actrice principale). C’est également l’occasion de retrouver les sympathiques domestiques de la maisonnée. Barrow, devenu majordome est toujours aussi mal dans sa peau et on peut le comprendre. Homosexuel, il ne peut s’afficher en tant que tel car dans la très puritaine Angleterre des années 1920 c’est une maladie que l’on soigne de manière brutale ; la rencontre avec l’acteur principal du film, Guy Dexter (un pseudonyme) lui permet d’envisager de nouvelles perspectives qu’il va finir par suivre pour être heureux. Le couple Bates est égal à lui même et son petit garçon (né lors du dernier épisode de la série) fait son bonheur. La « petite » Daisy qui avait commencé au bas de l’échelle est désormais cuisinière, aide Mrs Padmore aux cuisines et vit avec son second mari.


Le second film est certes très beau et j’ai apprécié de revoir la famille et ses domestiques. Mais je ne suis par certaine que cette double intrigue soit une bonne idée. Ca éclate dans tous les coins et j’ai parfois eu du mal à m’y retrouver ; et sans l’excellente Maggie Smith qui campe une lady Violet magistrale et pleine d’humour je ne suis pas certaine que le film, très long car il dure 2 heures et 6 minutes, aurait tenu la route. Et d’ailleurs, le décès de lady Violet dans les 30 dernières minutes est un moment d’émotion intense.


Compte rendu, film. Poitiers. CGR Castille, le 2 mai 2022. Simon Curtis (né en 1960) : Downtown Abbey : Une ère nouvelle. Avec : Dame Maggie Smith, lady Violet Crawley – comtesse douairère de Grantham ; Hugh Bonneville, Robert Crawley, comte de Grantham ; Michelle Dockery, lady Mary Talbot, fille ainée de Robert et Cora Crawley ; Elizabeth MacGovern, lady Cora Crawley comtesse de Grantham ; Jim Carter, Carson … 

Continue la semaine prochaine


* VF : Version Française

**VOSTF : Version Originale Sous Titrée en Français