vendredi 3 décembre 2021

Mon Poitiers Film Festival : entre court et long métrage, une semaine dense et riche en émotions


 

Après une soirée d’ouverture qui pousse à la réflexion quant aux réseaux sociaux dont la violence et la brutalité de ceux qui y naviguent peuvent parfois provoquer bien des malheurs et des drames, nous prenons le chemin du TAP – Castille (les 3 salles de cinéma d’art et d’essai du Théâtre Auditorium de Poitiers), ou sont diffusés une partie des courts métrages sélectionnés pour le festival et les longs métrages et documentaires sélectionnés pour le festival. Y sont également diffusés les films d’animation de Nick Park dans le cadre de la célébration du cinquantenaire de l’école de cinéma de Londres dont il fut l’élève. C’est dans des salles en général bien remplies et ou se mélangent jeunes en sortie scolaire, familles et cinéphiles chevronnés que je m’installe.


Vendredi 26 novembre : La soirée d’ouverture a eu lieu au Théâtre Auditorium (le théâtre était bien rempli en ce froid vendredi soir de novembre). La diffusion en avant première d’Arthur Rambo, le dernier opus du réalisateur mellois Laurent Cantet, a fait l’objet d’une notule à part (https://autresarts.blogspot.com/2021/11/laurent-cantet-sinspire-de-faits-reels.html).


Laurent Cantet était présent à cette avant première particulière avec son acteur principal et les deux hommes ont répondu aux questions du public après la diffusion du film. Durée : 1 heure 27


Samedi 27 novembre (TAP – Castille) : J’ai assisté à la diffusion de deux séries de courts métrages. Il faut savoir que le public est sollicité et chaque spectateur est donc jury pour cette catégorie de la compétition ; c’est donc avec attention que chacun doit regarder chaque court métrage. Les films ont été réalisés par des jeunes en fin d’études d’écoles de cinéma et viennent du monde entier.


Lundi 29 novembre (TAP – Castille) : C’est la catégorie « filmer l’adolescence » qui était à l’honneur avec deux documentaires très intéressants : Swagger de Olivier Babinet et La cour de babbel de Julie Bertucelli. Ces deux films classés dans la catégorie documentaires relatent le quotidien de jeunes des cités, pour le premier, et la vie d’une classe d’accueil pour jeunes étrangers qui apprennent le français tout en suivant une scolarité aussi normale que possible au collège pour le second.


Mardi 30 novembre (TAP – Castille et TAP) : Poursuivant mon parcours au Poitiers Film Festival, je retourne au TAP – Castille pour un autre long métrage consacré à l’adolescence : « Adolescentes » de Sébastien Lifshitz. Lifshitz a suivi Emma et Anaïs deux jeunes filles de Brive la Gaillarde pendant cinq ans. On les voit évoluer, changer, grandir, être témoins des attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre, passer le brevet des collèges et le baccalauréat (professionnel pour Anaïs et général pour Emma). Si le film a été diffusé au TAP – Castille, la conférence « dialogues de réalisateurs » se déroulait, elle à l’auditorium du TAP. Sébastien Lifshtz (« Adolescentes ») et Olivier Babinet (« Swagger ») ont raconté les coulisses de leurs tournages respectifs avec extraits des deux films à la clé avant de répondre aux questions du public.


Jeudi 2 décembre (TAP et TAP – Castille) : La journée commence au Théâtre Auditorium avec un ciné-sandwich qui s’inscrit dans le cadre de London Calling. Ce sont donc trois courts métrages en version originale sous-titrée, dont un court métrage d’animation bref mais original conçu en pâte à modeler qui sont présentés au public venu nombreux. De retour au TAP – Castille j’assiste à une troisième et dernière série de cinq courts métrages qui s’inscrit dans le cadre de la compétition et le public est à nouveau jury ; dans cette série il y a un amusant court métrage d’animation dont tous les personnages et les décors sont en papier mâché. Après la diffusion, les équipes de « La ventrière » (France) et de «Céu de Agosto » (Brésil). Pour mon dernier film de la journée, je « retrouve » la catégorie « filmer l’adolescence » et j’assiste à la diffusion de « Nous, princesses de Clève » de Régis Sauder. Ces jeunes de 17 ans sont tous dans la même classe de terminale et on assiste aux cours de « litté » (Littérature) dont l’un des livres principaux est La princesse de Clève de Madame de Lafayette. On assiste, avec les parents, aux émois amoureux de ces jeunes ; mais c’est sans les parents que nous voyons les réactions des jeunes à la publication des résultats du baccalauréats (la jubilation des reçus et la déception des recalés).


Vendredi 3 décembre (TAP – Castille et TAP) : Le dernier long métrage que je vais voir au TAP – Castille est Wallace et Gromit, le mystère du lapin garou de Nick Park. Ce film d’animation est plutôt rigolo et très détendant ; nous étions peu nombreux dans la salle et je le regrette, mais le film a déjà été diffusé à plusieurs reprises depuis sa sortie en 2005. Sortant du Castille, je file au Théâtre Auditorium pour assister à la cérémonie de remise des prix du PFF 2021. Si neuf prix ont été décernés à l’occasion de cette cérémonie animée avec humour par Matthieu Guérineau, ce sont sept films qui ont été récompensés car deux d’entre eux ont reçu deux prix. Les palmarès du Poitiers Film Festival et de sa catégorie « So french » sont indiqués ci dessous :


Palmarès du Poitiers Film Festival 2021 :


Grand prix du jury : Que no mi ro ben los suenos de Zoé Brichau (Belgique)


Prix spécial du jury : The land that rises and descends de Moona Pennanen (Finlande)


Mention spéciale : Scum mutation de Ov (France)


Prix de la mise en scène : Neurim de Shaylee Atary (Israël)


Prix du scénario : Les antécédents familiaux de Mathilde Blanc (Belgique)


Prix du public : Masel tov cocktail de Arkadij Khaet et Mickey Paatzsch (Allemagne)


Prix du jury étudiant : Cicada de Daewoen Yoon (Corée du sud)


Prix de l’extra court : Coffin de Yuanqing Cai, Nathan Crabot, Houzhi Huang, Mikolaj Janiw, Mandimby Lebon, Théo Tran Ngoc (France)


Prix du syndicat français de la critique de cinéma : Que no mi ro ben los suenos de Zoé Brichau (Belgique)


Prix Amnesty International France : Masel tov cocktail de Arkadij Khaet et Mickey Paatzsch (Allemagne)


Palmarès de la catégorie So French 2021


Prix du jury : Les vilains petits canards de Anton Balekdjian (Lyon)


Prix du public : Donjon & cie de Adèle Bichon, Alizée Garnier, Noëllic Lebouvier, Yann Orhon, Léonard Plata, Mattéo Rivière (Nantes)


Prix de l’extra court : Coincés de Maša Avramović (Bourg lés Valences)


Prix du jury lycéen : Les chairs froissées de Paul Guy Rabiet (Beaune)


Prix du jury étudiant international : Vies-à-vies d’Alice Sarrauste (Angoulême)


C’est une semaine très intense et variée qui a permis à un public nombreux mélangeant jeunes, moins jeunes et tous petits pour des séances riches en émotions. Cette quarante quatrième édition du Poitiers Film Festival a tenu toutes ses promesses et je ne peux que saluer l’implication totale de l’ensemble des équipes du Théâtre Auditorium de Poitiers et du Poitiers Film Festival qui ont su relever le défi avec talent et bonne humeur.



dimanche 28 novembre 2021

Laurent Cantet s’inspire de faits réels pour son dernier film : Arthur Rambo (ou la violence des réseaux sociaux)

 


Si certains peuvent avoir des doutes sur la violence des réseaux sociaux, l’affaire Medhi Meklat est là pour leur rappeler que lesdits réseaux sociaux, à commencer par twitter, peuvent l’être – violents – et détruire un homme (ou une femme) en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. C’est de cette histoire que le réalisateur mellois Laurent Cantet s’est inspiré pour réaliser son dernier opus : Arthur Rambo. « Il n’était pas question de réaliser un biopic, ce n’était pas mon but. » nous dit Cantet qui ajoute : « J’ai longtemps hésité, j’ai beaucoup réfléchi sur le sujet avant de me lancer. ». Et d’ajouter – en insistant beaucoup la dessus – pendant le débat qui a suivi la diffusion du film « C’est nous qui avons écrit les tweets en écrivant le scénario martèle-t-il ; et la production a tenu à le (re)préciser dans le déroulé de fin. »




Rabah Naït Oufella campe un Karim D émouvant dans la tourmente. D’abord insouciant, voire même inconscient, il commence d’abord par prendre la remontée de ses tweets antisémites et racistes à la légère persuadé qu’il est que « l’affaire » se tassera d’elle même. Mais la chute est d’autant plus brutale que « l’affaire » s’amplifie au cours de la nuit à tel point que tout le monde lui tourne le dos ; tout le monde sauf son petit frère, Farid, qui prend pour argent comptant les tweets antisémites d’Arthur Rambo sans réaliser leur dangerosité ni comprendre à quel point ce grand frère adoré regrette ces tweets jamais effacés. Karim D / Arthur Rambo chute sur une partie de son passé qu’il croyait enterrée sans penser un instant que, devenu personnage public grâce à son succès en tant qu’écrivain, tout serait scruté, surveillé. La remontée de ces tweets, ces « délires de gamin » provoque une telle levée de boucliers contre lui, son éditeur le lâche finalement sans plus d’explications, qu’elle finit par lui faire prendre conscience que les réseaux sociaux sont à la fois une bénédiction et une malédiction.


A travers l’affaire Meklat qui éclata au milieu des années 2010 et qui provoqua le départ et l’exil du jeune homme au Japon ou il vit maintenant, Laurent Cantet a tenu à rappeler qu’il faut faire très attention à ce qu’on publie sur twitter, facebook ou Tik Tok et que si on n’y prend pas garde, rien ne se perd. Il nous faut rappeler également qu’«Arthur Rambo » n’est pas un biopic sur l’affaire Medhi Meklat ; Laurent Cantet s’est librement inspiré de ces évènements pour en faire un film poignant et très fort. La sortie du film est prévue pour le 2 février 2022 ; nous ne pouvons qu'encourager nos lecteurs à aller le voir tant Rabah Naït Oufella se montre convaincant en jeune écrivain talentueux mais dépassé par un passé qu'il croyait enterré.


Compte rendu, film. Poitiers. Théâtre, le 26 novembre 2021. Laurent Cantet (né en 1961) : Arthur Rambo. Rabah Naït Oufella, Karim D ; Sofiane Kammes ; Antoine Reinartz ; Aleksandra Yermak, la femme fête ; Anaël Snoek, Clio ; Tony Arnoux, attaché de presse. Durée : 1 heure 27