lundi 2 mars 2020

De Gaulle : Un biopic intéressant mais un peu lent




On ne présente plus « le général » ; « le général » étant Charles de Gaulle, nommé général de brigade à titre provisoire par Paul Reynaud président du conseil juste avant la débâcle de juin 1940. L'homme du 18 juin, militaire intègre et courageux à la personnalité hors norme fut le témoin désabusé de la drôle de guerre qui se déroula du 3 septembre 1939 au 17 juin 1940. La vie de De Gaulle est si intense, riche et parfois mystérieuse qu'il est difficile d'y consacrer un biopic. Gabriel Bomin tente le pari en ne se focalisant que sur les évènements qui précède immédiatement l'appel du 18 juin 1940 et l'appel lui même. Même en ne se concentrant que sur cette courte période qui va approximativement d'avril à juin 1940 Bomin ne parvient pas à rendre complètement le vent de panique qui souffle sur la France. Entre l'éxode qui jeta des millions de français sur les routes, les combats désespérés des soldats français qui tentaient encore de croire à une victoire sur les nazis, les atermoiements de Paul Reynaud, qui vivait alors ses dernières semaines de président du conseil et les coups de boutoir des « défaitistes », tels Pétain et Weygand, ainsi que les appelait De Gaulle le film, aussi bien interprété et tourné soit il, ne parvient jamais vraiment ni à décoller ni à rendre la peur et le désespoir des uns et des autres. Au milieu de ce maelströme de dévastation et d'incertitude, on peut voir le général et son épouse Yvonne, tenter de maintenir une vie de famille et tenter de protéger les leurs à commencer par la benjamine de leurs trois enfants, Anne, née trisomique en 1928. C'est ainsi que nous avons droit à des flash-back qui nous ramènent à l'époque de la naissance d'Anne dans les années 1928-1930, lorsque le futur général et son épouse réalisent qu'Anne est trisomique - les médecins parlaient alors de « mongolisme » et retiraient presque toujours les enfants à leurs parents. Le couple refusera cette « proposition » et s'occupera lui même de sa fille jusqu'à son décès en 1948 ; bouleversé par la disparition de sa fille le général aura alors ce mot devant la tombe d'Anne: « Maintenant, elle est comme les autres ».

L'époque (l'entre deux guerre) : pour comprendre comment la seconde guerre mondiale a pu éclater, il faut remonter à la défaite sévère de l'Allemagne en 1918 et à l'humiliante signature de l'armistice le 11 novembre 1918 à Rethondes dans un wagon aménagé en hâte. Le traité de paix, signé quelques mois plus tard, marqua la fin définitive des empires d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie et le début en Allemagne de l'éphémère république de Weimar. Les conditions de ce traité de paix étaient excessivement restrictives et financièrement très/trop lourdes

  • l'Allemagne n'avait plus le droit d'avoir une armée et a dû démobiliser tous ses hommes et détruire la totalité de son stock d'armes.

  • Interdiction de produire les matériaux nécessaires à la production d'armes

  • Restitution à la France de l'Alsace et de la Lorraine « confisquées » après la défaite de la France lors de la guerre de 1870

  • paiement de dommages et intérêts exhorbitants à la France

  • occupation de la Ruhr, le « land minier » de l'Allemagne


Autant de conditions qui contribueront à la ruine de l'Allemagne et à la montée en puissance du nazisme – on verra des gens aller chercher leurs salaires dans des brouettes tant l'argent ne valait plus rien. Si la Société des Nations (ancêtre de l'actuel ONU) était censée veiller à ce que la Grande Guerre soit la « der des der », elle échouera lamentablement dans sa mission.

Dès les années 1920 une pensée extrémiste teintée de socialisme commence à se développer. Elle est déclinée dans un livre (« Mein Kampf » - mon combat) par un ancien combattant de la grande guerre, peintre raté, antisémite notoire, à l'ambition sans borne : Adolphe Hitler. Brutal et violent, il montera des troupes d'élites, les SS et les SA (les seconds seront d'ailleurs liquidés au profit des premiers) qui éxécuteront les pires besognes d'Hitler – à commencer par la liquidation méthodique et systématique des juifs (considérés comme des « sous hommes ». et marqués de l'étoile jaune de David), des communistes, des homosexuels (que les nazis marqueront d'une étoile rose), des handicapés et de tous ceux susceptibles de souiller la pure et puissante race ayrienne.

Dans les années 1930, l'Allemagne commence à se réarmer peu après l'arrivée au pouvoir d'Hitler et de ses sbires. Son armée se reconstitue, la Ruhr, censée être rayée de la carte d'Allemagne réintègre le pays et des camps de concentration apparaissent un peu partout dans le pays (Auschwitz-Birkenau (qui était un camps d'extermination), Bergen-Belsen par exemple). C'est dans ces camps que seront parqués les juifs, les communistes et les opposants au régime. Pour pouvoir étendre les pensées développées dans Mein Kampf, Hitler envahit l'Autriche (son pays d'origine) puis peu à peu toute l'Europe. C'est l'invasion de la Pologne le 1er septembre 1939* qui provoquera l'entrée de la France et de la Grande Bretagne dans la guerre ; car en 39, elle n'est pas encore mondiale.

Le film : il commence en avril 1940, dans les dernières semaines de la drôle de guerre. L'Allemagne avance inéxorablement et envahit les pays de l'Europe de l'Ouest (Pays Bas, Belgique) dont la neutralité ne sera même pas respectée pour pouvoir atteindre la France, responsable selon les nazis des malheurs et de la pauvreté des allemands. Charles de Gaulle n'est alors que colonel et dirige ses hommes au mieux avec ce qu'il a comme matériel et comme armes. Ses demandes d'armes et de chars restent sans réponses et cet officier intègre obéit tout en faisant bien savoir qu'il n'est pas d'accord. Lambert Wilson est méconnaissable en général De Gaulle, malgré une différence de taille importante (le général De Gaulle mesurait 1m96) ; il donne vie avec talent au général laissant transparaitre les doutes et états d'âme de l'homme sans oublier que le militaire doit garder en permanence le contrôle de lui même pour pouvoir prendre des décisions. Isabelle Carré est une Yvonne de belle tenue, mais il manque le petit plus qui en aurait fait une interprète exceptionnelle. En effet « Tante Yvonne », discrète et très présente pour ses enfants, était une femme de caractère et, de par son éducation, intransigeante, allant jusqu'à refuser de recevoir des personnes divorcées. C'est à travers les souvenirs d'Yvonne qu'on voit les De Gaulle prendre soin d'Anne, la « Toute Petite » née trisomique.Dans le reste de la distribution, je note le beau Reynaud d'Olivier Gourmet et le Mandel convaincant de Gilles Cohen. Gabriel Le Bomin a aussi fait appel à Victor Belmondo ( Claude Hettier de Boislambert). Les anglais Churchill et Spears sont bien incarnés par Tim Hudson et Andrew Bicknel.

Si j'ai apprécié le film, j'ai trouvé qu'il manquait clairement d'allant. J'ai trouvé que la peur panique des gens jetés sur les routes de l'exode était bien peu visible ; quant à la bataille de France, elle était presque trop ordonnée, voire surréaliste, vidée de toute substance. Je trouve que la lenteur des derniers combats de fin avril et du mois de mai nuit au film. L'intention est excellente mais le résultat manque de peps, d'autant que La Bomin a fait appel à des comédiens remarquables qui ont beaucoup donné mais qui auraient pu être poussés dans leurs retranchement.

Compte rendu, cinéma. Poitiers. CGR Castille, le 1er mars 2020 (film diffusé en avant première). Gabriel Le Bomin : De Gaulle – durée : 1 heure 50. Lambert Wilson : Charles de Gaulle ; Isabelle Carré : Yvonne de Gaulle (née Vendroux) ; Olivier Gourmet : Paul Reynaud ; Gilles Cohen : Georges Mandel ; Laurent Stocker : Jean Laurent ; Catherine Mouchet : Mlle Potel ; Sophie Quinton : Suzanne ; Andrew Bicknel : général Edward Spears ; Tim Hudson : Winston Churchill ; Philippe Laudenbach : maréchal Pétain ; Nicolas Robin : Alex Surchamps ; Evelyne Buyles : tante Richard ; Philipine Leroy-Beaulieu : Hélène De Portes ; Alain Lenglet : Maxime Weygand ; Nicolas Vaude : Paul Baudoin ; Victor Belmondo : Claude Hettier de Boislambert ; Marilou Aussiloux : Elisabeth de Miribel ; Clémence Hittin : Anne de Gaulle ; Lucie Rouxel : Elisabeth de Gaulle ; Félix Back : Philippe de Gaulle ; Pierre Hancisse : Geoffroy Chodron de Courcel.




* je passe sur tous les efforts des dirigeants européens pour tenter d'éviter la guerre dès 1933/34 car ce n'est pas le sujet et cela serait un peu trop long à reprendre dans le détail.