On
ne présente plus « le général » ; « le général » étant
Charles de Gaulle, nommé général de brigade à titre provisoire
par Paul Reynaud président du conseil juste avant la débâcle de
juin 1940. L'homme du 18 juin, militaire intègre et courageux à la
personnalité hors norme fut le témoin désabusé de la drôle de
guerre qui se déroula du 3 septembre 1939 au 17 juin 1940. La vie de
De Gaulle est si intense, riche et parfois mystérieuse qu'il est
difficile d'y consacrer un biopic. Gabriel Bomin tente le pari en ne
se focalisant que sur les évènements qui précède immédiatement
l'appel du 18 juin 1940 et l'appel lui même. Même en ne se
concentrant que sur cette courte période qui va approximativement
d'avril à juin 1940 Bomin ne parvient pas à rendre complètement le
vent de panique qui souffle sur la France. Entre l'éxode qui jeta
des millions de français sur les routes, les combats désespérés
des soldats français qui tentaient encore de croire à une victoire
sur les nazis, les atermoiements de Paul Reynaud, qui vivait alors
ses dernières semaines de président du conseil et les coups de
boutoir des « défaitistes », tels Pétain et Weygand, ainsi que
les appelait De Gaulle le film, aussi bien interprété et tourné
soit il, ne parvient jamais vraiment ni à décoller ni à rendre la
peur et le désespoir des uns et des autres. Au milieu de ce
maelströme de dévastation et d'incertitude, on peut voir le général
et son épouse Yvonne, tenter de maintenir une vie de famille et
tenter de protéger les leurs à commencer par la benjamine de leurs
trois enfants, Anne, née trisomique en 1928. C'est ainsi que nous
avons droit à des flash-back qui nous ramènent à l'époque de la
naissance d'Anne dans les années 1928-1930, lorsque le futur général
et son épouse réalisent qu'Anne est trisomique - les médecins
parlaient alors de « mongolisme » et retiraient presque toujours
les enfants à leurs parents. Le couple refusera cette « proposition
» et s'occupera lui même de sa fille jusqu'à son décès en 1948 ;
bouleversé par la disparition de sa fille le général aura alors ce
mot devant la tombe d'Anne: « Maintenant, elle est comme les autres
».
L'époque
(l'entre deux guerre) : pour comprendre comment la seconde guerre
mondiale a pu éclater, il faut remonter à la défaite sévère de
l'Allemagne en 1918 et à l'humiliante signature de l'armistice le 11
novembre 1918 à Rethondes dans un wagon aménagé en hâte. Le
traité de paix, signé quelques mois plus tard, marqua la fin
définitive des empires d'Allemagne et d'Autriche-Hongrie et le début
en Allemagne de l'éphémère république de Weimar. Les conditions
de ce traité de paix étaient excessivement restrictives et
financièrement très/trop lourdes
- l'Allemagne n'avait plus le droit d'avoir une armée et a dû démobiliser tous ses hommes et détruire la totalité de son stock d'armes.
- Interdiction de produire les matériaux nécessaires à la production d'armes
- Restitution à la France de l'Alsace et de la Lorraine « confisquées » après la défaite de la France lors de la guerre de 1870
- paiement de dommages et intérêts exhorbitants à la France
- occupation de la Ruhr, le « land minier » de l'Allemagne
…
Autant
de conditions qui contribueront à la ruine de l'Allemagne et à la
montée en puissance du nazisme – on verra des gens aller chercher
leurs salaires dans des brouettes tant l'argent ne valait plus rien.
Si la Société des Nations (ancêtre de l'actuel ONU) était censée
veiller à ce que la Grande Guerre soit la « der des der », elle
échouera lamentablement dans sa mission.
Dès
les années 1920 une pensée extrémiste teintée de
socialisme commence à se développer. Elle est déclinée dans un
livre (« Mein Kampf » - mon combat) par un ancien combattant de la
grande guerre, peintre raté, antisémite notoire, à l'ambition sans
borne : Adolphe Hitler. Brutal et violent, il montera des troupes
d'élites, les SS et les SA (les seconds seront d'ailleurs liquidés
au profit des premiers) qui éxécuteront les pires besognes d'Hitler
– à commencer par la liquidation méthodique et systématique des
juifs (considérés comme des « sous hommes ». et marqués de
l'étoile jaune de David), des communistes, des homosexuels (que les
nazis marqueront d'une étoile rose), des handicapés et de tous ceux
susceptibles de souiller la pure et puissante race ayrienne.
Dans
les années 1930, l'Allemagne commence à se
réarmer peu après l'arrivée au pouvoir d'Hitler et de ses sbires.
Son armée se reconstitue, la Ruhr, censée être rayée de la carte
d'Allemagne réintègre le pays et des camps de concentration
apparaissent un peu partout dans le pays (Auschwitz-Birkenau (qui
était un camps d'extermination), Bergen-Belsen par exemple). C'est
dans ces camps que seront parqués les juifs, les communistes et les
opposants au régime. Pour pouvoir étendre les pensées développées
dans Mein Kampf, Hitler envahit l'Autriche (son pays d'origine) puis
peu à peu toute l'Europe. C'est l'invasion de la Pologne le 1er
septembre 1939* qui provoquera l'entrée de la France et de la Grande
Bretagne dans la guerre ; car en 39, elle n'est pas encore mondiale.
Le
film : il commence en avril 1940,
dans les dernières semaines de la drôle de guerre. L'Allemagne
avance inéxorablement et envahit les pays de l'Europe de l'Ouest
(Pays Bas, Belgique) dont la neutralité ne sera même pas respectée
pour pouvoir atteindre la France, responsable selon les nazis des
malheurs et de la pauvreté des allemands. Charles de Gaulle n'est
alors que colonel et dirige ses hommes au mieux avec ce qu'il a comme
matériel et comme armes. Ses demandes d'armes et de chars restent
sans réponses et cet officier intègre obéit tout en faisant bien
savoir qu'il n'est pas d'accord. Lambert
Wilson est méconnaissable en
général De Gaulle, malgré une différence de taille importante (le
général De Gaulle mesurait 1m96) ; il donne vie avec talent au
général laissant transparaitre les doutes et états d'âme de
l'homme sans oublier que le militaire doit garder en permanence le
contrôle de lui même pour pouvoir prendre des décisions. Isabelle
Carré est une Yvonne de belle
tenue, mais il manque le petit plus qui en aurait fait une interprète
exceptionnelle. En effet « Tante Yvonne », discrète et très
présente pour ses enfants, était une femme de caractère et, de par
son éducation, intransigeante, allant jusqu'à refuser de recevoir
des personnes divorcées. C'est à travers les souvenirs d'Yvonne
qu'on voit les De Gaulle prendre soin d'Anne, la « Toute Petite »
née trisomique.Dans le reste de la distribution, je note le beau
Reynaud d'Olivier Gourmet
et le Mandel convaincant de Gilles
Cohen.
Gabriel Le Bomin a aussi fait appel à Victor
Belmondo
( Claude Hettier de Boislambert). Les anglais Churchill et Spears
sont bien incarnés par Tim
Hudson
et Andrew Bicknel.
Si
j'ai apprécié le film, j'ai trouvé qu'il manquait clairement
d'allant. J'ai trouvé que la peur panique des gens jetés sur les
routes de l'exode était bien peu visible ; quant à la bataille de
France, elle était presque trop ordonnée, voire surréaliste, vidée
de toute substance. Je trouve que la lenteur des derniers combats de
fin avril et du mois de mai nuit au film. L'intention est excellente
mais le résultat manque de peps, d'autant que La Bomin a fait appel
à des comédiens remarquables qui ont beaucoup donné mais qui
auraient pu être poussés dans leurs retranchement.
Compte
rendu, cinéma. Poitiers. CGR Castille, le 1er mars 2020 (film
diffusé en avant première). Gabriel Le Bomin
: De Gaulle – durée : 1 heure 50. Lambert Wilson : Charles
de Gaulle ; Isabelle Carré : Yvonne de Gaulle (née Vendroux)
; Olivier Gourmet : Paul Reynaud ; Gilles Cohen :
Georges Mandel ; Laurent Stocker : Jean Laurent ; Catherine
Mouchet : Mlle Potel ; Sophie Quinton : Suzanne ; Andrew
Bicknel : général Edward Spears ; Tim Hudson : Winston
Churchill ; Philippe Laudenbach : maréchal Pétain ; Nicolas
Robin : Alex Surchamps ; Evelyne Buyles : tante Richard ;
Philipine Leroy-Beaulieu : Hélène De Portes ; Alain
Lenglet : Maxime Weygand ; Nicolas Vaude : Paul Baudoin ;
Victor Belmondo : Claude Hettier de Boislambert ; Marilou
Aussiloux : Elisabeth de Miribel ; Clémence Hittin : Anne
de Gaulle ; Lucie Rouxel : Elisabeth de Gaulle ; Félix
Back : Philippe de Gaulle ; Pierre Hancisse : Geoffroy
Chodron de Courcel.
*
je passe sur tous les efforts des dirigeants européens pour tenter
d'éviter la guerre dès 1933/34 car ce n'est pas le sujet et cela
serait un peu trop long à reprendre dans le détail.